Note de lecture :
Michel Barnier nous propose un choix européen : son livre est documenté, complet, passionnément européen. Il laisse cependant un goût d’inachevé. Et ce pour une raison simple : si Michel Barnier nous présente son choix européen, force est de reconnaître qu’il n’aime pas beaucoup choisir.
Tout démarre bien pourtant : la dette des Etats n’est pas la dette Bruxelloise certes. Et cette dette a filé rapidement. Mais deux remarques : la dette Allemande est liée à la Réunification principalement. C’est une dette « honorable ». Toutes les autres sont liées à la facilité d’endettement que procurait et que procure encore l’euro. Sans l’euro la dette française aurait été plus coûteuse et aurait affaibli le franc. En un mot, Bruxelles qui nous rappelle à l’ordre aujourd’hui a d’abord permis des endettements assez irresponsables. Une monnaie sans discipline, sans rappel à l’ordre, n’était pas pérenne.
Il faut simplement dire les choses, l’euro a rendu possible le laxisme et seule la férule germanique peut à court terme remettre de l’ordre. Ce n’est pas joyeux pour la France qui parle beaucoup désormais des déficits publics alors qu’il faudrait se poser la question de la compétitivité de son travail, de son capital, de sa législation en général. Et ce n’est pas l’Europe qui peut y répondre mais le choix courageux de la France pour la productivité.
Sur les deux chapitres politique industrielle et énergie, Michel tourne autour du pot. Le développement, l’innovation, la conquête de marchés nouveaux sont accessibles aux entreprises européennes si elles gagnent de l’argent sur le marché Européen et sur les marchés nationaux. Or, rien n’est facilité par l’Europe pour que cela soit possible.
Coût et temps de travail, fiscalité du capital, liberté d’entreprendre ne sont pas au rendez-vous de l’unité européenne.
Se voulant exemplaire en tout, l’Europe limite la croissance de ses entreprises au nom d’une concurrence évaluée à l’aune du seul marché européen. L’Europe édicte des règles plus contraignantes que partout ailleurs et succombe à toutes les lubies idéologiques en matière d’énergie.
Là, j’aurais aimé que Michel Barnier nous dise que l’Europe ne pouvait avoir qu’une seule priorité, la réussite mondiale de ses entreprises, grandes, moyennes ou petites. Elle ne peut pas suivre simultanément tous les objectifs que lui assignent les multiples groupes politiques de son parlement, des bébés phoques ou du CO2 coupable de tout, en passant par l’accueil de tous les déshérités.
A vouloir satisfaire toutes les passions, environnementalistes, redistributrices, participatives ou géographiques, voire celles strictement conduites par l’obsession du juste retour pour chacun des 28 états, les décisions sont lentes, rares et exceptionnellement cohérentes.
Il faut en situation de crise, s’en tenir à une priorité : aux entreprises, plus de marges, aux états, moins de dettes, pour tous, plus d’innovation et plus d’emplois.
L’ouvrage de Laurent Wauquiez consacre une introduction et six chapitres à expliquer que rien ne marche et qu’il faut tout changer. Si les choix de Barnier sont angéliques, les charges de Wauquiez sont parfaitement caricaturales. Certes, il a le mérite de choisir en voulant d’abord tout changer. Ce faisant, il détruit son acte de foi européen en ignorant 22 pays rejetés hors de l’Europe et en prêtant aux 5 retenus, hors la France, les mêmes espérances que la fraction « conservatrice » de la droite Française. C’est l’Europe des Etats.
Cette Europe à l’origine, elle ne me contrariait pas. En connaissant mieux mes partenaires européens elle est simplement impossible parce qu’elle ne correspond pas à leurs attentes.
Laurent aura un grand succès dans une fraction des souverainistes modérés. Sa proposition sera rejetée partout ailleurs hors nos frontières. Elle est désobligeante pour tous les pays qui, venus volontairement à l’Europe, n’ont pas l’intention de renoncer à ce projet qui est aussi le leur. Elle est inacceptable pour les 5 pays sollicités – hors la France – qui ne veulent pas abandonner leurs partenaires de toujours.
Si Laurent Wauquiez nous avait dit la France doit être meilleure dans tous les domaines que la moyenne des 6 premiers pays européens je l’aurais compris et soutenu. En Europe, le problème c’est moins celui de la Commission, du Conseil ou du Parlement que le problème de la France : moins de compétitivité du travail, moins de capitaux par habitant, moins de liberté pour entreprendre, plus d’impôts, plus de règles et peu de résultats en éducation et formation des jeunes. Aucune de ces faiblesses ne provient d’abord de l’Europe ; elles viennent de nous-mêmes. Et les 5 grands pays sollicités nous regardent plus comme une source d’inquiétude que de confiance.
Drôle d’UMP qui part aux Européennes en écartant les parlementaires européens expérimentés, qui choisit des thèmes extérieurs à l’avenir commun, même s’ils sont sensibles en France, et dont les écrits vont du conformisme tranquille à la révolution ni possible ni souhaitable.
L’UMP doit s’exprimer clairement sur ses 2 orientations contradictoires dont aucune n’est pleinement satisfaisante.