Est Républicain du 17/08/2012 / Sébastien GEORGES
« Je ne conteste pas la dissolution mais le calendrier »
« Nos armées répondent à des besoins de sécurité nouveaux ».
Gérard Longuet, que pensez-vous de l’annonce de la dissolution du 8 e RA de Commercy à l’horizon de l’été 2013 ?
Nous sommes face à une accélération du dossier qui s’inscrit dans la réforme complète de l’armée de 2008, avec diminution d’effectifs sur la période 2008-2015. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans la confrontation et les attaques frontales avec une armée identifiée. Nos armées répondent à des besoins de sécurité nouveaux sur des théâtres étrangers diversifiés face à des adversaires de taille modeste exigeant une réponse avec une souplesse des moyens. L’artillerie n’est plus vraiment adaptée. On savait donc que le 8 e RA serait supprimé un jour. En revanche, il fallait attendre la montée en puissance effective de l’usine Safran et qu’il y ait une ou plusieurs implantations d’entreprise supplémentaires, notamment liées à l’industrie de défense. Safran ne doit être qu’une étape. Il y a surtout la lettre d’intention du Président de la République qui avait dit : oui, on supprime le 8 e RA car l’armée de terre le demande mais on le fera quand on aura obtenu le développement économique comparable à la perte du régiment. Lorsque je me suis rendu officiellement à Commercy en tant que ministre de la Défense, j’avais dit la même chose. Mais on sait bien que les ministres passent et l’État-major reste. Il a profité du changement.
L’accélération de la dissolution s’expliquerait par l’arrivée de Safran. Êtes-vous d’accord ?
L’arrivée de Safran n’a rien à voir avec l’armée et la Défense, donc le départ du 8 eRA. Elle a été raccrochée au plan de développement de Commercy mais c’est une opération que j’ai engagée en 2008. Avant la décision sur le 8 eRA et ma nomination au gouvernement. Elle s’inscrivait dans le plan de relance et le grand emprunt. Le PDG de Safran, via son directeur général, le Meusien Philippe Petitcolin, m’avait approché pour faire rentrer son projet de nouveau moteur dans le plan. J’ai contribué à faire remonter l’idée jusqu’à l’Elysée et le projet d’usine en France devait étudier la possibilité d’une implantation en Meuse.
Faut-il contester la dissolution ?
La suppression du 8 e RA s’inscrit dans le cadre d’une politique nationale. Je suis mal placé aujourd’hui pour la contester car je l’ai suivi et mis en œuvre. Mais aujourd’hui, le niveau de compensation économique pour la Meuse est insatisfaisant par rapport aux 900 militaires présents en 2008. Il faudrait attendre que l’usine existe avec ses 400 personnes, c’est-à-dire dans trois ans, et que l’on ait au moins 600 emplois permanents. L’affaire ne serait alors pas loin d’être équilibrée économiquement.
Comment expliquer la précipitation de l’armée de terre ?
Elle est étranglée car elle doit appliquer sa réforme. Dans sa négociation avec le ministre qui lui demande de réduire les effectifs, elle présente un programme. Le chef d’État-major a profité du changement de ministre. Breton, Jean-Yves Le Drian est plus sensible à la Marine… Tant que j’étais en place, on ne m’aurait jamais proposé un plan avec le 8 e RA. Jean-Yves Le Drian applique la réforme mais je constate que pour Commercy, on le fait sans attendre le principe posé par Nicolas Sarkozy d’une indemnisation parallèle.
Quelle est la marge manœuvre des Meusiens ?
Ce sera une dure bataille à mener pour le respect du calendrier. Je vais m’engager de la même façon qu’en 2008. J’ai de bonnes relations avec mon successeur. La dissolution ne doit pas intervenir en 2013 mais au mieux en 2015. Aujourd’hui, le ministère doit respecter aussi sa signature dans le cadre du plan de développement économique et apporter quelque chose. En revanche, il sera difficile d’obtenir le déplacement d’une nouvelle unité à Commercy à la place du 8 e RA. L’effort est demandé dans toute la France, même si certaines régions comme l’Est y ont un peu plus contribué. Cela peut être un argument à faire valoir…