24 novembre, 2024

Région Grand Est – Pacte pour la Ruralité

logo-carre-pacte-ruraliteLa Région Grand Est vient de lancer sur le site d’Ecurey dans la Meuse, une réflexion collective et publique devant aboutir, en avril 2017, à la conclusion d’un pacte de soutien à la ruralité.

Dans la vaste halle d’une ancienne fonderie, plus de deux heures de débat passionné, mais manquant hélas d’une préparation de nature à canaliser les propos vers l’amorce de solutions concrètes.

C’est donc par écrit et maintenant que je veux apporter une première courte contribution.

Si la France a été si longtemps rurale, c’est tout simplement parce que l’espace vaste travaillé, et le climat modéré pertinemment utilisé par la sagesse de l’expérience acquise de génération en génération, étaient les principaux créateurs de richesse. L’industrie, elle aussi, est née de l’espace, du bois, de l’eau pour l’énergie, de la main d’œuvre agricole disponible pendant les plus ou moins longs temps d’inactivité agricole divers et naturellement du sous-sol.

En un siècle, tout a changé : l’agriculture a poursuivi ses gains fabuleux de productivité commencée chez nous dès le XVIIIème Siècle. L’Industrie s’est libérée des contraintes physiques et géographiques. Elle est devenue mondiale et souvent au détriment des implantations anciennes. Enfin et surtout, la valeur ajoutée tertiaire, qui est réelle, des universités aux banques, des laboratoires aux hôpitaux, des studios de créations vidéos aux commerces de toute nature, se nourrit de la concentration des populations sur des espaces réduits aux compétences reconnues. Vieilles traditions d’ailleurs, nous sommes avec la Silicon Valley, dans la tradition de la rue des Joailliers ou des Changeurs des villes médiévales.

Bref, s’il y a un rural affectif, produit d’une culture, du souvenir d’un mode de vie collectif souvent enjolivé, mais aussi, d’une relation avec l’espace plus ou moins naturel, il y a surtout une implantation rationnelle des populations qui arbitrent entre les perspectives d’emploi et les conditions effectives de vie.

La faible densité de population, inhérente au monde rural, rend le foncier meilleur marché ce qui est un atout, mais aussi les transports individuels indispensables, l’accès aux services collectifs plus difficile et les infrastructures, de l’eau à la fibre optique en passant par les routes, plus coûteuses rapportées au nombre d’habitants !

L’agriculture, dont la forêt, son amont et son aval, forme le premier atout du monde rural. Mais il s’agit, dans le meilleur des cas, d’un monde aux effectifs stables parce que la diversification et la valeur ajoutée locale plus forte compenseront à peine les gains globaux de compétitivité.

Les services se font tirer l’oreille : le tertiaire nouveau oublie le monde rural et se fixe dans les métropoles. Le tertiaire de service aux habitants – médecins ou commerces – compte sur l’automobile pour que les patients et les clients viennent à lui, et plutôt dans des « villes rurales » comme nous les connaissons en Meuse, plutôt que dans les villages dispersés.

Ce constat partiel établi, il y a pour moi trois réponses immédiates :

  • Rendre les « villes-moteurs » accessibles à partir du monde rural. De nombreux actifs acceptent des migrations quotidiennes alternées de 1 à 2 heures, ainsi qu’en témoigne l’est meusien proche du sillon mosellan. La route et le transport individuel – le plus mutualisé possible – sont indispensables. Quand le transport collectif est possible ne l’écartons pas. Hélas, ces villes-moteurs sont rares dans le Grand Est : les bords du Rhin, le sillon Mosellan, quelques îlots de résistance en Champagne, le compte est vite établi.
  • Aussi la numérisation absolue de l’espace rural est un devoir impérieux. Il ne garantit rien, mais son absence exclut tout ! Qu’il s’agisse de fixer des futurs retraités, de soutenir l’éducation des enfants, de vaincre l’isolement géographique de toutes les catégories d’entrepreneurs, la fibre partout et tout de suite serait la seule preuve de solidarité tangible que le monde urbain majoritaire pourrait adresser au monde rural minoritaire.
  • Enfin, je veux que personne n’oublie l’industrie : entre le primaire qui subsiste et le tertiaire qui l’évite, l’industrie doit être au cœur du monde rural comme elle l’a été par le passé. Mais à trois conditions, difficiles à réunir :
  • L’atout économique rural d’abord, tout doit être moins cher : le foncier, les bâtiments subventionnés car une fois construits ils n’ont guère de valeur marchande, le coût salarial global enfin. Soyons clair sur ce dernier point : le temps de travail, la qualité du travail, la disponibilité, la promotion interne doivent être pensés différemment des grands bassins de main d’œuvre. Les relations employeurs/salariés sont plus directes et donc plus sensibles en raison de la dépendance mutuelle.
  • L’atout relationnel ensuite, entendu au sens large. Il s’agit de faciliter l’activité y compris dans la relation avec les administrations, qui ne peuvent pas être anonymes, de la circulation des poids lourds jusqu’aux normes administratives qui doivent être adaptées à des espaces à faible densité. Les relations suivies entre formateurs, salariés et employeurs. Il faut faciliter enfin les financements locaux par le soutien de fonds publics locaux capables d’inciter les grandes banques nationales dont les centres de décisions sont toujours éloignés du monde rural.
  • L’atout entrepreneurial enfin. L’emploi c’est l’entreprise certes. Mais l’entreprise c’est l’entrepreneur. Ce sont les responsables locaux avec cet entrepreneur, ses cadres, ses actionnaires, qui établissent un lien de confiance, et un mode de fonctionnement. Le maître de forge employeur unique et exclusif d’une petite région a disparu. L’entrepreneur peut être un enfant du pays qui a réussi ou qui revient. Mais c’est aussi et surtout un chef d’entreprise qui estime que pour produire bien il faut contrôler son outil, ce que rend impossible les délocalisations lointaines. L’entrepreneur en milieu rural doit pouvoir accéder plus rapidement encore qu’en ville, à des centres de décisions par l’autoroute, le TGV, les aéroports. Pour le Grand Est, c’est de la relation avec les centres de décisions économiques majeurs immédiatement extérieurs, l’Ile de France ou la Lotharingie industrielle, que naîtra une synergie entre une production locale et un marché au minimum européen et souvent mondial. Suffisamment de réussites Lorraines nous montrent que cela est possible.

Pour terminer ce propos, je rappelle qu’Ecurey est dans la mouvance immédiate de Cigéo qui doit être un point d’appui durable pour des prestataires industriels ou de services présents ou à venir. Il faut veiller à son succès durable.

Voilà une première contribution que m’inspire le site même d’Ecurey, industrie au milieu des bois et des prés.

N’hésitez pas à répondre à la consultation citoyenne sur le site de la Région Grand Est :

Consultation Pacte pour la Ruralité