Le risque d’une fuite a accéléré d’un mouvement ambitieux, qui aurait mérité une plus complète mise en forme. Les délais sont courts. L’intention de fusionner EADS-BAE doit être confirmée par ses dirigeants pour le 10 octobre 2012. Je souhaite que le Gouvernement, au nom de l’Etat premier actionnaire d’EADS, s’exprime clairement avant cette date. Volontariste quand il s’agit de l’argent des autres et de la gestion des entreprises privées, on ne peut pas imaginer que le Gouvernement soit suiviste dans une affaire qui le concerne triplement :
– D’abord parce qu’elle concerne la construction européenne entre le maintien de la relation Franco-Allemande, la mise en œuvre des accords de Lancaster House et le respect d’un partenaire minoritaire mais estimable l’Espagne.
– Ensuite parce qu’elle concerne la pérennité de notre industrie de défense, de la dissuasion aux hélicoptères de combat en passant par les missiles et le transport militaire est en cause. BAE et EADS fusionnées, ce ne sont plus tout à fait les mêmes règles de gouvernance, tant pour l’Etat que pour les autres clients de la nouvelle entreprise, comme d’ailleurs pour Dassault détenu aujourd’hui à 46 % au nom de l’Etat. Si l’on ajoute les chocs THALES-BAE et la concurrence Rafale versus Eurofighter, le gouvernement doit s’exprimer sur sa conduite et ses préférences.
– Enfin il s’agit d’une forme de privatisation. Cette dernière ne me choque pas en principe. Mais c’est à l’autorité politique d’en fixer les règles. En l’espèce, le Gouvernement court après un management audacieux dont on aimerait savoir ce qu’il propose à ses actionnaires et à la République Française tout d’abord. Voilà qui nous éloigne d’une procédure « normale » que nous aurions souhaitée en l’espèce. En économie capitaliste, ce sont les actionnaires qui décident, et souvent même ce sont eux qui imaginent et proposent. Tel n’est pas le cas aujourd’hui. La balle est chez les managers. Les actionnaires s’expriment en désordre. Le groupe Lagardère dit « Oui, si » à la fusion mais Daimler-Benz veut toujours vendre sa part. L’Allemagne s’inquiète des nouvelles règles. L’Etat français est silencieux. On avait connu le gouvernement plus bavard, comme s’il était plus facile de condamner PSA sans s’exprimer sur les entreprises dont on a la charge.La France n’est pas seule. Les trois puissances publiques nationales ont le devoir de s’exprimer par respect pour les 49,35% de capitaux flottant. Les partenaires privés du pacte originel eux l’on fait, Daimler-Benz et Lagardère. Que l’Etat Français le fasse à son tour. Pour leur part, l’Angleterre et les Etats Unis attendent sereins. La première a fixé les règles strictes pour la gouvernance de BAE depuis longtemps et elle s’efforcera de les garder. Les seconds ont la puissance que donne le fait d’acheter du matériel et de commander les partenariats industriels décisifs.Là encore la France doit nous dire son attitude à l’égard de notre grand allié américain, qui est si souvent notre grand concurrent au plan des exportations.Tout est encore possible, y compris le meilleur. Mais cela mérite une analyse et une décision.
Rendez-vous au 10 octobre 2012. Mais ce qui sera dit aux marchés doit être compatible avec les intérêts de long terme de la France et de l’Europe de la Défense.