Le Commissaire Oettinger, en charge de l’énergie à Bruxelles, commence à ouvrir les yeux, avec la prudence qui sied à sa fonction, sur l’épouvantable impasse du conformisme énergétique européen. Non seulement il n’y a pas de prix européen du méga watt, les écarts sont spectaculaires, mais encore les Etats-Unis sont en train de nous distancer avec une énergie durablement bon marché qui favorise leur industrie.
La lucidité s’impose : l’Europe ne peut pas continuer à accumuler tous les handicaps de compétitivité dans un Monde où son seul atout fond comme neige au soleil, l’avance technologique. Et l’Allemagne seule ne peut pas sauver les 27 ou les 17 si tous ses partenaires européens cessent d’investir dans la recherche utile à force d’accumuler les déficits publics et les interdits idéologiques.
Elle-même d’ailleurs se prend à douter de son abandon du nucléaire qui se traduit en pratique par la ruée du charbon… américain sur la production électrique européenne. Bonjour le CO2 !
Pour maintenir cette avance, il faut investir utile, cesser de financer le « non-travail » au plan social et l’importation massive de photovoltaïque, par exemple, au plan énergétique.
Nous avons un atout confirmé, le nucléaire et une carte à explorer, les carburants fossiles non conventionnels. Avec l’aide des deux, nous pouvons égaler les Etats-Unis, nous libérer de la tutelle des producteurs d’énergie de l’Est et du Sud, et surtout financer par ces gains la recherche et le développement qui nous maintiendront devant nos hardis challengers, essentiellement la Chine qui est la seule économie disposant à la fois de la taille et de l’unité politique pour être un acteur mondial.
L’Europe a dominé le Monde au XIXème siècle en utilisant seule son charbon qui pourtant existait aussi partout ailleurs. Mais, en Europe, il a été exploité et l’énergie accessible et bon marché a soutenu un formidable élan. Nous avons su, avec la politique mondiale du pétrole et le nucléaire, franchir l’étape suivante tout au long du XXème siècle. Pourtant, depuis 30 ans, tout s’est arrêté en Europe alors que tout bougeait dans le Monde.
L’énergie renouvelable, oui, quand nous aurons les moyens de la financer sans compromettre notre leadership globale scientifique et technologique. Pas avant : personne dans le Monde ne nous est reconnaissant de maîtriser – plus ou moins – nos émissions de CO2, mais tous les « BRICS » critiquent nos déficits économiques et financiers. Ces pays ont raison. L’Europe n’est exemplaire que si elle est forte, sans dette donc. L’Europe n’est exemplaire que si elle produit plus de richesses qu’elle n’en consomme. Aujourd’hui, nous vivons à crédit sur le dos des générations à venir et avec la trésorerie des nouveaux riches du pétrole ou des pays à main d’œuvre bon marché. Pour être exemplaire, d’abord soyons riches, le reste suivra. Notre degré de conscience collective, au service du bonheur de l’humanité, restera toujours le même (plus élevé que partout ailleurs dans le monde) mais nous avons besoin des centrales nucléaires et du gaz non conventionnel pour être respectés et donc entendus.
Gérard LONGUET – Ancien Ministre – Sénateur de la Meuse – Le 21 mai 2013