21 novembre, 2024

Un mensonge d’Etat, la maîtrise des dépenses et la pause fiscale….

Certes, un Gouvernement a le droit d’être habile, même lorsqu’il s’agit de cette épreuve de vérité qu’est la présentation du budget. Mais pas au point de prendre manifestement ses interlocuteurs pour des incompétents ou des « mal comprenants ». En théorie le budget reposerait sur 15 milliards de dépenses en moins pour 3 milliards d’impôts en plus. En apparence le partage est raisonnable pour revenir en 2014, si la croissance est de plus de 0,9 %, à un déficit public de 3,6 % du PIB.

Le malheur est que rien n’est vrai dans une présentation où l’habilité tourne à la mauvaise foi :

L’Etat ne diminue pas ses dépenses de 15 milliards mais de 9 sur un total de 305,5. La différence est assurée par la Sécurité Sociale, soit pour elle une diminution de 5,8 milliards de ses dépenses. Or, la « Sécu » comporte des dépenses automatiques dont rien ne nous assure qu’elles seront maîtrisées, comme la maladie, qui pèse cependant pour la moitié des économies prévues.

Venons-en aux réductions des dépenses de l’Etat : moins du tiers de ces réductions sont liées effectivement à des économies de fonctionnement proprement dites, soit 2,6 sur 9 milliards. Sur ces 2,6 milliards, 1,7 sont économisés sur la masse salariale, parce que le point d’indice restera stable. Mais pas le « GVT » qui mécaniquement augmente la masse salariale même à effectif constant.

Quant à la baisse nette de nombre de fonctionnaires, supportée pour les 2/3 par la Défense, elle ne peut expliquer avec 2144 emplois en moins le 1,7 milliards d’économie, ce qui représenterait plus de 800 000 euros par emploi.

La vérité est que cette réduction est un calcul fictif : elle représente ce que ne dépensera pas en plus l’Etat parce qu’il ne touche pas à la valeur du point d’indice, et non une réduction effective !

En revanche, pour les interventions de l’Etat en faveur des Collectivités Locales (qui correspondent, rappelons-le, à des transferts ou à des compensations de recettes locales supprimées par l’Etat, ou à des obligations légales supportées par les Collectivités Locales : écoles, APA ou aide à l’enfance) c’est une vraie réduction de 1,5 milliards. De même, sont des vraies réductions imposées aux Chambres Consulaires ou aux Agences de l’Eau, le 1,5 milliards en moins. Ce que l’Etat ne fait pas pour lui, il l’impose à ses partenaires.

L’apprentissage va supporter une réduction de 550 millions et l’Aide personnalisée au Logement de 177 millions.

Certes, tout le monde doit faire des efforts, mais l’Etat ne réduit en fonctionnement courant que 900 millions, soit 10% des réductions qu’il revendique pour son compte. Les autres 90% sont payés par ses partenaires ou imputés sur des dépenses qui auraient pu venir et qui ne sont pas venues…

Je ne reviens pas sur les 5,8 milliards d’économie de la Sécurité Sociale : un dixième, soit 0,5 milliard, pèse sur ses frais de gestion. L’essentiel est payé par les retraités (1,9 milliards) dont le pouvoir d’achat sera diminué d’autant et par l’Assurance Maladie (2,9 milliards) par des biais totalement incertains.

Voilà pour les économies, 15 milliards annoncés, en réalité moins de 2 assurés par l’Etat proprement dit et le reste supporté par les retraités, les Collectivités Locales et les partenaires de l’Etat, des Chambres Consulaires aux Caisses Complémentaires en passant par les Agences de l’Eau. Et sur ces 15 milliards on peut estimer qu’un tiers de ces réductions sont incertaines (Maladie, Frais de Gestion des Caisses, Masse Salariales et fonctionnement courant de l’Etat).

Les hausses de recettes sont en revanche à la fois certaines et largement dissimulées. Qu’on en juge :

 « Le Monde », reprenant page 6 de son édition datée du 26 Septembre un document de Bercy, présente deux tableaux de hausse de prélèvements :

–       2 milliards par la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale

–       1 milliard intitulé « autres mesures fiscales »

En entrant dans le détail, on découvre que le Gouvernement présente comme des réductions effectives d’impôts le fait qu’il renonce à des mesures impossibles qu’il n’avait d’ailleurs pas pu imposer.

Par exemple, pour les particuliers :

–       260 millions d’allègement sur les plus values immobilières parce que le système annoncé à l’automne 2012 a été abandonné au printemps 2013

–       350 millions d’allègement sur les plus values mobilières parce que le régime de la loi de finances 2013 votée en 2012 était absurde.

Pour les entreprises, est considérée comme une réduction le fait que la hausse de la TVA ne sera pas appliquée ni pour la construction et la rénovation des logements sociaux, ni pour la conversion de logements en logements intermédiaires.

Ainsi, pour les particuliers et les entreprises, le raisonnement du Gouvernement est simple : vos impôts sont diminués parce qu’ils ne sont pas augmentés comme on aurait aimé. Avec ce type de raisonnement il suffit d’annoncer un prélèvement à 100%, pour ensuite le rendre effectif à 80%, afin de décréter une baisse de 20% de la fiscalité. Vraiment cette habilité de présentation n’est qu’une malice de chef-lieu de canton !

Les hausses d’impôts sont-elles bien réelles : les familles payeront 1,403 milliards en plus (quotient familial, scolarité, pension des familles nombreuses, complémentaire santé). Les entreprises elles, s’acquitteront de 2,740 milliards d’impôts en plus.

Seule réduction pour les particuliers, le retour de l’indexation du barème sur le revenu protège des effets pervers de l’inflation : mais l’avantage réel n’est que pour les seules tranches inférieures, soit en moyenne 120 € par an pour 7 millions de foyers, soit le quart de l’avantage « heures supplémentaires » que nous avions ouvert aux salariés et qui reste supprimé.

Enfin au nom de l’écologie, diverses mesures payées par les consommateurs, entreprises ou ménages, leur coûteront 532 millions par la hausse des carburants ou le malus automobile.

Ajoutons à ces 532 millions, les 930 millions de « DMTO », prélevés en plus par les départements s’ils le veulent, avec l’autorisation du Gouvernement.

Net de la décote de 5% en sus de l’inflation pour les tranches les plus basses, le vrai bilan des impôts nouveaux décidés par ce budget pour les particuliers sera donc de 3,6 milliards et pour les entreprises de 3,140 (en ajoutant la non déduction des intérêts d’emprunts, mesure nouvelle et dangereuse pour la localisation des sièges des grands groupes), de plus, ménages et entreprises se partageront la charge des 528 millions de fiscalité écolo supplémentaires.

Le total sera donc supérieur à 7,2 milliards, soit le double de l’effort annoncé par le Gouvernement. Surtout cet effort représente plus du triple des vraies réductions de dépenses de fonctionnement du secteur public de l’Etat.

Je comprends très bien que les interventions de l’Etat diminuent et particulièrement en période de crise. Mais il faut bien mesurer qu’en ajoutant aux impôts nouveaux les réductions de dépenses de l’Etat en matière d’intervention, des  secteurs entiers vont être déstabilisés.

Il aurait été plus juste de partager les efforts en organisant les réformes à long terme qui généreraient  des économies durables : moins d’offres publiques, moins d’obligations pour les partenaires privés, et un partage proportionnel du fardeau et non une répartition hyper ciblée sur les classes moyennes et supérieures, sur les familles et les épargnants, dont les moyens servent à la fois et l’investissement et les solidarités de proximité, indispensables en période d’effort et beaucoup plus pertinentes que les redistributions étatiques.

La pause fiscale est une fiction, le matraquage des investisseurs est une faute pour l’avenir, la pénalisation des familles une injustice impardonnable dans un pays où la seule espérance reconnue est notre dynamisme démographique.

Tout cela explique qu’Hollande soit ressenti comme un Président décourageant dans un pays chaque jour plus découragé.