Il faut maintenir l’écotaxe mais en la modulant fortement selon les itinéraires, les usagers et dans le temps. De plus, il faut évoluer vers un système plus souple se passant des portiques. Enfin, le produit de ce péage virtuel ne doit être affecté qu’aux infrastructures et d’abord à celles qui génèrent des recettes. Dans ces conditions, elle accompagnera la réussite économique des territoires de notre pays.
L’écotaxe poids-lourd est un bon financement qui arrive parfaitement à contretemps. Que le Gouvernement dans l’immédiat arrondisse les angles, on peut le comprendre, il est dans son rôle. D’autant qu’il est pour l’essentiel à l’origine du ras le bol fiscal dont l’écotaxe est un élément exaspérant. En un mot, la goutte qui a elle seule fait déborder le vase.
Revenons à l’essentiel : le poids-lourd, la géographie, le financement des infrastructures.
Le poids-lourd est un atout essentiel de la réussite économique d’un pays. Pour moi, les routiers sont, sinon « sympas » du moins incontournables : rapidité, flexibilité, juste à temps, service complet et maîtrisé, le succès du poids-lourd n’est pas un accident fiscal c’est la contre partie d’une véritable utilité économique. Ils continueront de se développer et ils continueront d’exiger des infrastructures qu’ils continueront d’user principalement et souvent exclusivement.
La géographie française ensuite qui s’inscrit dans l’ensemble européen. Rotterdam reste le premier port méditerranéen et la presqu’île ibérique se développera par la route vers la Lotharingie industrielle ou la Grande Bretagne. Nos routes sont pour nombre d’entre elles européennes. Le contribuable français n’a pas à payer seul l’usage par des véhicules européens de nos itinéraires à vocation continentale.
Deux autres caractéristiques géographiques s’imposent : l’encombrement francilien, où les autoroutes sont insuffisantes et sans doute parce qu’elles sont presque exclusivement gratuites. Les besoins financiers sont immenses.
La seconde caractéristique française est l’étendue des zones à très faible densité de population dont les infrastructures sont couteuses car peu circulées. Là encore la question du financement est posée.
La Bretagne, elle, est très active, plutôt dense mais loin de l’Ile de France et de l’Europe riche.
Chacun comprend alors que l’usage de la route n’est pas ressenti de la même façon sur tout le territoire et que les Bretons sont plus attentifs que d’autres.
L’actuel financement des infrastructures n’est pas satisfaisant même si l’usager direct paye de plus en plus ce qui n’est pas le cas en Allemagne où l’écotaxe poids-lourds a été créée pour compenser l’absence de péage. L’usager ne paye ni en Ile de France où les coûts et les besoins sont les plus élevés, ni en Bretagne. Partout ailleurs, dans l’hexagone, l’usager de la route paye directement sur l’autoroute, ou comme contribuable local même pour les routes nationales en raison du désengagement de l’Etat depuis 40 ans !
En effet, les collectivités locales, au-delà de l’immense réseau routier local, payent les routes nationales et les régions payent particulièrement la mise à niveau du service voyageur ferré. En un mot, leurs facultés contributives sont épuisées, alors que les besoins routiers sont réels, particulièrement pour les réseaux urbains et périurbains.
Je ne partage pas l’esprit de Grenelle qui voulait pénaliser la route pour développer des alternatives dont les rentabilités sont illusoires. La dette française nous oblige – à quelques exceptions près pour les infrastructures, comme le Lyon-Turin-Ferroviaire – à optimiser des moyens financiers rares en les orientant vers les utilités collectives avérées.
L’écotaxe, par sa technique, permet de suivre l’utilisateur et permet donc de lui facturer le service réel rendu par le réseau routier national ou local. Le contribuable national et local grâce à lui en aurait été d’autant allégé, et le consommateur aurait payé le service qui lui est effectivement rendu par le transporteur, en fin de chaîne. La modulation des tarifs selon les itinéraires, les distances ou les périodes d’utilisation permettent de rouler plus intelligemment. Le contrôle physique par les portiques n’est peut-être pas une nécessité absolue : le GPS, le réseau GSM, l’informatique devraient permettre de faire accepter le système par les entreprises de transports en diminuant progressivement les « dissidences ». Les contrôles volants et particulièrement sur les poids-lourds étrangers auraient pu suffire.
Quand on sait que sur l’A31 (en partie gratuite) les poids-lourds longues distances sont aux 2/3 non-français, nous nous réjouissons que ces camions aient à participer à l’entretien de notre réseau, au-delà du gasoil, que souvent ils n’achètent même pas dans notre pays.
L’écotaxe poids-lourds est pertinente. Elle arrive au mauvais moment. Elle n’est pas comprise par le pays. Elle ne doit surtout pas financer des équipements économiquement non-viables. Et surtout elle doit soulager le contribuable d’un effort qui doit reposer sur le véritable bénéficiaire, le consommateur.
Le Gouvernement n’a pas su présenter le projet convenablement, il s’est contenter de la perspective de recettes. Mais nous sommes habitués depuis 18 mois à ce manque de professionnalisme qui compromet un projet pourtant pertinent.