L’annonce de la vente de l’activité énergie d’Alstom est à juste titre ressentie comme l’incapacité de nos grandes entreprises à rester à la fois mondiales et françaises. Chaque trimestre porte son lot de fusions spectaculaires ou de déménagements discrets. En un mot : « France tes atouts fichent le camp ». On peut le comprendre : un marché national ingrat qui ne permet plus de financer la quête de la nécessaire dimension mondiale. Mais dans le cas de l’énergie la responsabilité politique est flagrante et le quinquennat en cours a tout aggravé.
Déjà l’alerte de 2004 aurait dû nous alerter sérieusement : l’énergie est trop sérieuse pour être soumise aux aléas des alliances politiques de circonstance. Le refus d’un affichage clair de l’atout nucléaire, la diversification onéreuse payée par l’usager, les vaticinations de la TEE, transition énergétique européenne, ont cassé l’investissement énergétique pour lequel nous avions des atouts. Les allemands peuvent se ruiner dans le zéro nucléaire s’ils le souhaitent. Nous n’avons pas les mêmes moyens tant s’en faut, ni d’ailleurs les mêmes excès de CO2.
Il nous fallait unir nos efforts français pour diversifier notre nucléaire, s’entendre pour exporter là où cela est raisonnable, et accélérer le Grand Carénage de nos 58 réacteurs pour aider nos entreprises compétentes au lieu de subventionner l’industrie photovoltaïque chinoise à grand coup de tarifs préférentiels !
Cela n’a pas été fait et nous attendons depuis 2012 le texte transition en usant les ministres sans sortir les projets !
Chercher en catastrophe Siemens aujourd’hui paraît dangereux : cette société nous a abandonné dans le partenariat nucléaire, alors que toute la complexité de l’EPR vient justement des exigences d’outre Rhin !
Je suis libéral et juge que le marché a en général raison à moyen et long terme ! Mais justement en matière d’énergie où est le marché européen : l’offre est totalement faussée par des considérations politiques qui tiennent pour l’essentiel au poids des verts dans les parlements de l’Europe lotharingienne. Le marché n’est pour rien dans les incertitudes actuelles.
Hier, la politique française du coût du travail et de la fiscalité du capital plombait durablement nos entreprises. Aujourd’hui, ce sont les aléas politiques qui bouchent l’horizon du marché européen de l’énergie.
Il ne serait pas anormal que le pouvoir politique en tire les conséquences : d’abord clarifier à la lumière des réalités économiques son projet énergétique, calmer le désordre européen et simultanément mobiliser des capitaux pour une entreprise stratégique pour le noyau traditionnel de nos grandes centrales nucléaires d’aujourd’hui et de demain. Car si nous gardons avec Areva l’amont, il nous faut aussi disposer d’un acteur aval de qualification mondiale.
Abandonner Alstom, c’est passer en deuxième division sur le plan énergétique.
Que le groupe Bouygues ait été échaudé par des décisions politiques qui l’ont affaibli, comme le quatrième opérateur, on peut le comprendre. Dans ce secteur des télécoms, il faut désormais des capitaux pour survivre, au prix d’une guerre franco-française dont les consommateurs se féliciteront un temps, avant de constater que leurs enfants seront obligés de chercher ailleurs des emplois. En période de compétition, ce qui est donné aux uns ne finance pas la réussite des autres.
Mais, il y des capitalistes en France et au simple prix d’une clarification de la politique énergétique et d’une volonté concrète de compétitivité sectorielle, ils prendraient le chemin de l’investissement d’avenir car avant d’être un thème de débats partisans, l’énergie est une compétence française dans un monde, hors Europe, qui en a le plus grand besoin. Car, à l’inverse de secteurs disparus ou sous contrôle étranger, l’énergie a de l’avenir pour peu que l’on choisisse de soutenir une réussite mondiale plutôt que de prolonger une pagaille politicienne dont nous avons vu que le gouvernement la payait chère, perdant à la fois et ses lecteurs ouvriers et ses alliés verts-précaires.
Et si la Bpi veut prouver son utilité qu’elle fasse comme le firent en leur temps Nicolas Sarkozy ou Obama pour Général Motorship, un partenariat provisoire, en attendant qu’ayant clarifié ses choix énergétiques le pouvoir cesse d’être une menace pour les entreprises de ce secteur.