Mardi 18 septembre 2012, 16:52 publié le 16/09/2012 à 05:00
Photo A.PICORE
« Moi président, je ne ferai pas de Commercy un désert »
Mobilisation générale à Commercy. Les élus et la population sont descendus hier dans la rue pour dénoncer la dissolution du 8 e RA.
Dans les rangs : beaucoup de socialistes surpris et déçus par les méthodes de leur majorité.
« Monsieur le président, respectez les engagements de l’État pour la survie du territoire. » 11h20 hier, devant l’hôtel de ville de Commercy.
Bernard Muller, le maire, dévoile une banderole accrochée aux grilles de sa mairie. Elle interpelle directement celui dont l’une des premières décisions aura été de valider ce que même Nicolas Sarkozy n’avait pas osé faire : la dissolution du 8 e régiment d’artillerie (RA) de la ville dès juillet 2013. Détail cocasse et politiquement savoureux, le premier magistrat, socialiste, appartient à la majorité gouvernementale. Trahi par les siens, la pilule est dure à avaler !
Rappel des faits. En 2008, l’annonce de la dissolution du 8 e RA dans le livre blanc fait grand bruit dans ce bassin d’emploi où le chômage culmine à 12,5 % et qui verrait ainsi disparaître du jour au lendemain 10 % de ses 12 500 habitants.
Face à la mobilisation locale et aux enjeux économiques l’ex-président et le sénateur UMP meusien Gérard Longuet, ministre de la Défense, décident de suspendre la décision « tant qu’une solution équivalente en emplois ne serait pas trouvée. »
Patatras ! Le 30 juillet dernier au matin, en plein cœur de l’été, le major général de l’armée de Terre vient en catimini, et en hélicoptère, annoncer à ses troupes que le régiment serait dissous dans moins d’un an. Le maire est prévenu l’après-midi lors d’un entretien téléphonique plus que glacial avec Jean-Yves Le Drian, ministre socialiste de la Défense : « J’étais allé le voir après sa nomination pour lui demander du temps. Depuis l’annonce, je lui ai écrit, ainsi qu’au premier ministre et qu’au président, mais personne ne me répond. Je trouve la méthode déplorable. »
Léger embarras à gauche
Certes, en novembre 2011, le secteur a appris l’implantation d’une usine du groupe aéronautique Safran. Soit 200 emplois en 2014, et sans doute le double d’ici à 2017 :
« Mais ce n’est pas une compensation et de toute manière, le compte n’y est pas. Et puis comment vit-on d’ici 2017 ? », se demande l’élu. Derrière lui, dans le cortège, les pancartes des commerçants sont sans équivoque : « Moi président, je ne ferai pas de Commercy un désert économique. Moi président, je respecterai la parole et les écrits de l’État. » Pour François Hollande, le retour de boomerang est violent.
Le socialiste Alain Verneau cautionne. Conseiller général du canton, il ne s’attendait pas à un tel coup de poignard dans le dos de la part de sa famille : « La décision ne me surprend pas, mais la manière de faire me déçoit. On peut se poser des questions sur la façon dont nos dirigeants réagissent. » Thibaut Villemin, vice-président socialiste du conseil régional, semble plus gêné aux entournures : « Je ne partage pas les banderoles et je ne manifeste pas contre le gouvernement en qui j’ai confiance. Nous comprenons très bien qu’on n’a plus besoin d’un régiment mais je suis là pour dire que le calendrier n’est pas bon, que le délai est trop court pour réfléchir à des compensations. » Ce militant socialiste a lui aussi la dent dure : « Les Meusiens ont beaucoup donné dans les deux guerres. Nous enlever les régiments qui nous font vivre, c’est dur par rapport à l’Histoire. Et puis cela donne vraiment l’impression que François Hollande ne maîtrise pas l’État-major. » Le cortège termine devant la sous-préfecture, où une délégation est reçue. « Nous demandons une attention particulière compte tenu de la fragilité de ce territoire », quémande le maire. Les militaires, eux, ont déjà rempli leurs demandes de mutation.
Philippe MARQUE.