Ce ne sont pas seulement François Hollande et Manuel Valls qui sont au pied du mur. Ce sont aussi les parlementaires qui les soutiennent ou qui hésitent. Mais en vérité, au regard de l’ampleur des difficultés que nous avons à surmonter c’est bien le Pays tout entier qui a rendez-vous avec lui-même.
Ne pas régler les problèmes d’aujourd’hui pour la raison qu’il vaudrait mieux attendre les prochaines présidentielles serait criminel pour la majorité mais aussi pour l’opposition.
Certes, la probabilité est forte qu’une alternance sanctionne, en 2017, l’actuelle majorité. Est-ce pour autant une raison de se contenter d’attendre leur échec en constatant que, revenue de la gauche et de ses alliances, l’opinion française espère notre retour sans autre forme d’exigence.
Pour défendre la France, nous avons dans l’opposition notre part de responsabilité même si nous ne gouvernons pas. D’abord, parce que nous n’avons pas fait tout ce qu’il y avait à faire pour la France, dans les 10 premières années du siècle, de 2002 à 2012. Ensuite, parce que nous n’avons jamais publiquement analysé et nos forces et nos faiblesses ; et enfin parce que nous n’affichons qu’un projet en demi-teinte, par tactique ou par convictions, comme en témoigne l’atonie de l’actuelle campagne européenne.
C’est donc dès maintenant et en débattant avec le Gouvernement que nous devons prendre nos responsabilités pour éclairer nos compatriotes à la fois sur nos analyses et sur nos lignes de forces.
L’opposition doit aller au fond des sujets et ne pas se contenter de propositions sympathiques mais secondaires qui ignorent l’essentiel, notre perte de compétitivité. Sa restauration doit être notre seule préoccupation avant le cumul des mandats, la PMA-GPA, la féminisation de la vie politique ou l’obsession de la transparence.
De la même façon, il ne faut pas que les modalités du dialogue social, partenariat, démocratie participative ou gestion entrepreneuriale du secteur public nous fassent perdre de vue le seul objectif qui vaille, la compétitivité de nos produits et de nos services. Même le contrôle de la dépense publique n’a de sens qu’au service de ce premier et seul objectif.
Enfin, sauver la planète est un objectif louable, mais je préfère que les élus français se soucient de sauver la France dans un environnement mondial sur lequel notre emprise est bien relative. Pourquoi sacrifier nos atouts en nous sacrifiant les premiers lorsque l’on sait qu’aucun de nos partenaires, concurrents, alliés ou adversaires, n’envisagent un seul instant de renoncer à un atout au nom d’un improbable intérêt mondial. La morale de Kant et son impératif catégorique ne valent pas dans la foire d’empoigne mondiale rappelait Albert Bressand. [1]
Très bientôt, et bien avant 2017, des hommes de Droite et du Centre vont être obligés d’assumer la mission de préparer l’alternance en construisant un projet : ce seront en Septembre 2014 les Sénateurs de l’opposition, s’ils parviennent à conquérir la majorité au Sénat.
Ce sera la première alternance après celle, éclatée par nature, des municipales. Il y en aura d’autres en 2015 avec les Départementales et les Régionales. Mais ces trois rendez-vous locaux ne déclenchent habituellement pas des propositions nationales pour le pays tout entier.
Quant aux Européennes, sondage grandeur nature, elles n’ont pas ces conséquences nationales concrètes, en tous les cas à court terme.
Les Sénatoriales, de Septembre 2014, auront pour leur part un effet immédiat, celui d’obliger l’opposition à relever le défi du renouveau français par le jeu du dialogue public qui s’établira avec le Gouvernement tant dans le débat législatif qu’au regard de la mission de contrôle propre au Sénat.
Détenir la majorité du Sénat, ce qui est à la portée de la Droite et du Centre, entraîne des droits et des devoirs.
Je m’arrêterai aux devoirs, peut-être justement parce que je suis un homme de droite, républicain, libéral et plutôt conservateur lorsque je ne suis pas convaincu de la nécessité du changement.
En cas d’alternance au Sénat, nous ne pouvons plus nous contenter d’une guerre d’embuscade qui, jusqu’à présent, a ralenti la Gauche sans la faire changer de route.
Nous avons le double devoir de présenter nos propositions et je le pense profondément, de nous efforcer de les faire comprendre de l’opinion et parfois, je l’espère, de les faire accepter par l’Assemblée Nationale. En un mot, nous allons devoir exercer un pouvoir National.
Nous avons le devoir d’abord parce que nos électeurs sont des élus qui, d’une façon pratique dans leurs collectivités respectives, s’efforcent de trouver eux aussi des solutions. En un mot, ils ont la culture de la réponse à la question posée. Nous devons avoir le même état d’esprit. Même si nous n’avons souhaité ni le Président, ni le Gouvernement, ils sont, comme nous le sommes nous Sénateurs, les acteurs institutionnels de la République. Et pour que la République fonctionne, ce qui est l’intérêt de la France, toutes les institutions doivent être actives.
Le Sénat, dit de Gauche, est en réalité surtout désordonné. Le désordre entraîne son absence, depuis 2012, de la vie politique française. Nous devons lui rendre toute sa responsabilité si nous parvenons à construire une majorité.
Une majorité ensuite ce n’est pas le triomphe d’un parti victorieux, sûr de lui et dominateur. C’est une entente réfléchie. D’ailleurs, même si un seul groupe détenait à lui seul une majorité, il se diviserait lui-même sur tel ou tel sujet, et devrait à son tour bâtir en son sein des compromis. Je l’ai vécu dans un passé récent.
Je souhaite pour l’UMP les meilleurs résultats possibles, mais son honneur serait de bâtir une alliance majoritaire résolue sur quelques points majeurs à exprimer sa volonté de changement. Pas sur tous les sujets, sans doute. Mais sur les urgences françaises, assurément.
Le mode de scrutin, hélas trop, beaucoup trop proportionnel, permet cependant une réelle liberté de choix des Sénateurs. Imaginons de nous retrouver sur des solutions prioritaires partagées. Ce serait pour nos électeurs une fierté que de penser que leur Sénat en est capable. Au-delà, ce serait pour l’opinion française l’espoir que les hommes politiques sont plus que de simples partisans, des artisans d’un pays à moderniser.
Les points sur lesquels nous ne pourrions nous rassembler durant les trois années 2014-2017 donneraient une espérance à ceux que déconcertent les divisions de la Gauche ou les silences de la Droite.
Pour 3 voix manquantes au Bundestag Mme Merkel, la CDU, le CSU et le SPD ont débattu 3 mois pour produire 300 pages d’une charte d’actions pour 5 ans. Nous n’avons pas les mêmes responsabilités, nous avons donc un fardeau plus modeste. Mais pourquoi ne pas imaginer une analyse commune et une plate-forme minimale pour la future majorité.
Les thèmes majeurs nous sont connus :
1 – La dépense publique, de l’Etat, des collectivités locales, de la protection sociale : il faut limiter l’offre de dépenses publiques tant que le retour aux 3% n’est pas atteint. Il faut poser le principe du moratoire jusqu’au retour à meilleure fortune. Plus l’effort est énergique, plus le moratoire est court et réciproquement.
2 – Accepter que les trois facteurs de créations de richesse, le travail, le capital, l’innovation soient aussi libres et aussi respectés que chez nos grands concurrents.
3 – Imaginer une société de confiance, où ni la loi, ni le règlement, ni les puissances publiques ne viennent se substituer à la responsabilité ou à la liberté des personnes physiques et morales, civiles, commerciales ou associatives qui assument leurs droits et devoirs.
4 – Je propose enfin une approche réfléchie de la société moderne : ce qui marche en général doit être préservé et si l’exception ou le non conformisme sont bienvenus, ils ne doivent pas imposer leur loi à ceux qui n’en veulent point.
Je n’aime ni l’optimisme béat, ni le commerce de la peur. Une société réfléchie doit s’appuyer sur des valeurs durables. Le respect de la parole donnée, les solidarités de proximité et d’abord de la famille, le travail comme marque d’indépendance et de respect des autres au crochet desquels on se refuse à vivre. Le goût de la raison enfin qui nous fait penser qu’un problème bien posé trouve une solution.
Cette digression nous éloigne du Sénat en apparence. Pas du tout : institution politique, le Sénat, doit prendre position. Je souhaite qu’une majorité à venir ait la patience et la sagesse de prendre des positions, non pas en ripostes simplement, mais parce que des convictions défendues avec modération mais obstination justifient notre vrai rôle de stabilisateurs de la République.
Bien sûr, chacun d’entre nous a le souci de son territoire d’élection et je l’ai autant qu’un autre. Mais si la France échoue, aucun territoire ne s’en sortira seul : ni subventions, ni emplois, ni équipements publics dans l’avenir si la France ne retrouve pas le chemin de la responsabilité nationale fondée d’ailleurs sur la responsabilité de tous.
Un Président élu pour 5 ans ne peut sauver le Pays, a fortiori quand il part dans une direction saugrenue que n’emprunte aucun autre pays semblable au nôtre.
Mais la République peut se sauver si tous ses rouages fonctionnent. Notre mission de Sénateur est singulière. Nous avons pu l’oublier dans le désordre de ces 3 années sans majorité. A nous de démontrer la pertinence d’une Assemblée d’expérience et de sécurité. La majorité qui se profile n’est pas une revanche, c’est une mission pour faire vivre et réussir notre République.