C’est un bonheur d’entendre M. Desessard : il a la vertu de ceux qui découvrent un monde et s’aperçoivent que le roi est nu. Le Gouvernement regarde la bosse de la période 2020-2035 et en déduit qu’il va falloir allonger la durée de cotisation. Il veut donc faire porter l’effort sur les moins de 40 ans qui devront à la fois cotiser plus longtemps pour eux-mêmes et payer les dettes de la génération précédente.
Les retraites sont un problème national. Il devrait être partagé par les majorités successives. Vous avez, en 1982, ramené à 60 ans l’âge du départ en retraite. Après quoi nous dû mettre en place plusieurs réformes. Nous avons pris nos responsabilités et à aucun moment vous ne nous avez soutenus. Dans d’autres pays, ces questions font consensus, au-delà des clivages politiques. Le COR a reconnu les apports des réformes précédentes : si nous n’avions pas agi comme nous l’avons fait, on en serait à une dérive de 3 points de PIB en 2020 et de 6,6 points en 2030.
M. Desessard insiste sur le chômage. Mais c’est parce que les charges sont lourdes que l’emploi est rare !(Exclamations sur les bancs CRC)
Nous ne soutiendrons pas ce projet de loi qui refuse de prendre en compte des éléments de long terme : quand on passe de trois cotisants pour un retraité à 1,5, il faut changer de système. Nous ne retrouverons plus jamais l’équilibre des Trente Glorieuses.
La vie active a elle-même changé. L’espérance de vie se prolonge, les carrières sont moins linéaires, plus aléatoires et les revenus de productivité source d’excédents ne sont plus là. De plus, les carrières sont de plus en plus internationales. En Lorraine, plus de 70 000 salariés travaillent au Luxembourg, en Allemagne, en Belgique ; ils cotisent donc à des régimes différents du nôtre. Vous méconnaissez tout à fait cette évolution.
C’est aussi la vie familiale qui a beaucoup changé, au point que, contrairement à ce qu’il est convenu de répéter, notre démographie a cessé d’être un atout : nous ne sommes plus à un taux suffisant. Le CNR était merveilleux – dans un pays fermé, maître de sa monnaie et doté d’une démographie dynamique.
Personne n’est opposé au régime par répartition. Seules les modalités nous opposent. Le système est complexe ? Nous le regrettons tous mais il ne peut en être autrement. Cette complexité est accrue par les salariés eux-mêmes, qui parfois s’efforcent de construire quelque chose de plus personnel. Je pense aussi à ces petits propriétaires bailleurs qui se constituent de cette manière une retraite par capitalisation.
Notre système est profondément redistributif – et c’est une très bonne chose : il faut soutenir ceux qui ont été frappés par le chômage ou par des accidents de la vie. Pour qu’il fonctionne, encore lui faut-il des moyens et le régime qui fonctionnait durant les Trente Glorieuses n’est plus adapté. Ce régime par répartition qui a l’ambition d’être universel méconnaît la logique des droits acquis. Les régimes complémentaires par points sont aussi des régimes par répartition, mais ils sont autocorrecteurs. Ce sont des systèmes modernes. Vous les condamnez par principe. Vous avez l’égoïsme de toute une génération : encore une minute monsieur le bourreau, les moins de 40 ans paieront pour nous !
Je comprends l’exaspération de nos collègues communistes : l’essentiel de l’effort portera sur les retraités eux-mêmes et sur les salariés. En vous en prenant aux familles ayant eu trois enfants, vous touchez ceux grâce à qui la répartition a fonctionné ! Vous dites que les employeurs seront indemnisés des surplus de cotisations. Par qui ? Par l’argent des contribuables, et donc encore une fois par les salariés. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Ayons une discussion de fond sur cette réforme. Les amendements du groupe UMP reposent sur deux idées : une réforme systémique est indispensable, et nous soutiendrons la proposition du groupe UDI-UC. Dans sa lettre à la Commission européenne, le président de la République fait preuve d’une malice de chef-lieu de canton en expliquant qu’en jouant sur la durée de cotisation on mènerait en fait à ce que l’âge moyen de départ en retraite soit en fait 66 ans. Nous préférons aller vers une étape à 65 ans.
Donnons-nous les moyens d’une solidarité plus grande en faisant appel au travail des Français !