21 novembre, 2024

STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS

Galerie de liaison sud au Laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne.
Galerie de liaison sud au Laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne.

Compte rendu analytique officiel du 17 mai 2016

M. le président. – L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue.

Discussion générale

M. Gérard Longuet, auteur de la proposition de loi . – Je remercie le groupe Les Républicains qui a accepté d’inscrire à l’ordre du jour cette proposition de loi qui aurait pu, qui aurait dû être portée par le Gouvernement…

M. Jean-Claude Lenoir. – Très juste !

M. Gérard Longuet. – Merci à tous les cosignataires ; ce débat ne concerne pas seulement les élus de la Meuse et de la Haute-Marne mais tout le territoire. Merci aussi à M. Raison, notre rapporteur. Ce texte est un travail collectif, qui doit beaucoup aux travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et à son président M. Jean-Yves Le Déaut.

 

C’est une vieille affaire, une belle histoire qui a associé tous les courants politiques qui ont gouverné la France depuis 1991 pour donner une situation stable aux déchets ultimes de notre production nucléaire. Que nous en débattions aujourd’hui est une novation réjouissante, avant que l’Assemblée nationale, je l’espère, s’en saisisse à son tour.

C’est en 1991 que s’est ouvert le débat sur la façon de traiter les déchets à vie longue et haute activité. Le 26 novembre 1993, le conseil général de la Meuse, comme son sous-sol contenait de l’argilite de la période du Callovo-Oxfordien, s’est porté candidat pour accueillir le laboratoire d’étude sur le stockage souterrain. Son voisin, la Haute-Marne, s’y déclarait prêt également. Dans la Meuse, les élus ont pris une décision unanime avec une réserve majeure : la réversibilité, principe posé dans la loi de 2006 pour tenir compte des avancées possibles de la science et de la possibilité de réutiliser ces déchets pour produire de l’énergie. La loi de 2006 a imposé que la notion de réversibilité soit précisée par la loi avant l’autorisation de stockage. Elle implique en particulier que les colis de déchets soient récupérables.

La réversibilité implique que la construction du site soit progressive – elle durera une centaine d’années -, que les installations soient flexibles, que les galeries puissent être fractionnées ; elle signifie que d’autres solutions doivent pouvoir être mises en oeuvre si elles apparaissent scientifiquement utiles.

Lors du débat public de 2013, l’idée d’une phase industrielle pilote de cinq ans a émergé. De nombreux acteurs sont concernés : l’Andra, l’ASN, l’IRSN, le comité national d’évaluation – sans compter la dimension internationale avec la directive Euratom et l’agence spécialisée de l’OCDE. Le système sera transparent.

Ce texte permet de lancer le chantier Cigéo. Un nouveau texte sera nécessaire ensuite. Toute l’opération sera placée sous le contrôle permanent du Parlement. Montrons que nous savons non seulement produire de l’électricité mais aussi en assumer les conséquences. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir. – Bravo !

M. Michel Raison, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable . – Merci à M. Longuet d’avoir abordé cette question avec sérénité et pragmatisme. Le texte est la dernière étape d’un long processus qui a débuté avec la loi de 2006 ; celle-ci avait retenu le stockage en couche géologique profonde comme solution de gestion à long terme des déchets radioactifs, imposé la réversibilité, dont la définition devait être donnée dans une loi ultérieure avant le lancement du chantier. Nous y sommes.

Lors du débat public de 2013 il a été décidé de ménager une phase industrielle pilote ; la notion de réversibilité, clé du présent texte, a été définie, qui ne doit pas être confondue avec celle de récupérabilité. La réversibilité se définit comme la capacité à offrir aux générations futures des choix sur la gestion à long terme des déchets radioactifs, parmi lesquels le scellement des ouvrages de stockage ou bien la récupération des colis de déchets. Cette réversibilité est assurée notamment par le fait que le développement du stockage est progressif et flexible.

Sur la base des travaux de l’Andra et des conclusions du débat public de 2013, plusieurs véhicules législatifs ont tenté de relancer le projet Cigéo ces dernières années, les projets de loi sur la transition énergétique et Macron, sans qu’aucun n’aboutisse. Il est temps de prendre nos responsabilités dans ce dossier crucial.

Cette proposition de loi apporte quatre modifications à la loi de 2006 : la définition de la réversibilité, le lancement d’une phase industrielle pilote, l’adaptation de la procédure d’autorisation et l’adaptation du calendrier. Elle n’est en rien un chèque en blanc sur la poursuite du projet Cigéo. D’autres échéances législatives sont prévues, et la phase pilote garantit une identification précoce des problèmes et leur ajustement. Enfin, l’article adapte le calendrier de mise en oeuvre du projet. La commission de l’aménagement durable a adopté trois amendements.

Notre débat n’est pas entre pro et antinucléaires, la question est celle de la gestion des déchets radioactifs existants. La directive Euratom du 19 juillet 2011 nous impose de mettre en place un stockage dans des installations appropriées, qui serviront d’emplacement final. Le simple entreposage de déchets radioactifs, comme à La Hague, ne peut être qu’une solution provisoire.

Nous devons avancer avec humilité et prudence, le sujet est très technique et à haut risque. Le texte de la commission apporte de nombreuses garanties : une phase industrielle pilote, le développement progressif du stockage, un contrôle permanent de l’Andra et de l’ASN, le droit de regard du Parlement à chaque étape. Il a été adopté à la quasi-unanimité.

En l’adoptant, nous prenons nos responsabilités pour assurer nos choix énergétiques passés et présents et permettons aux générations futures de conserver leur liberté de choix. C’est affaire d’éthique et de continuité de l’État. (Applaudissements au centre et à droite et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Martine Pinville, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire . – Je salue l’initiative de M. Longuet et des auteurs de cette proposition de loi, étape importante d’un processus transpartisan de long terme qui nous engage envers les générations futures.

La France a fait le choix du nucléaire : 58 réacteurs sont en activité, sous le contrôle des autorités de sûreté. La loi sur la transition énergétique a fixé à terme un plafond de 50 % à l’électricité d’origine nucléaire.

La loi Bataille de 1991 était un premier pas.

La France a fait le choix stratégique du nucléaire et s’est dotée d’un parc de 58 réacteurs qui fournit une électricité décarbonée et compétitive. Les déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue représentent 3 % des déchets mais 99 % de la radioactivité totale.

La loi Bataille prévoyait leur stockage en couches géologiques profondes. Pour conduire ses recherches, l’Andra a créé à Bure, à 500 mètres de profondeur, dans la couche argileuse, un laboratoire souterrain. Elle a remis son rapport en 2005. Après une évaluation par la Commission nationale d’évaluation et l’ASN, après un débat public en 2013, la loi de programmation du 26 juin 2006 a retenu l’option du stockage en profondeur, que la directive Euratom de 2011 a conforté. L’Andra a été chargée de concevoir le centre de stockage ; c’est le projet Cigéo, au coeur de la région Grand Est, qui aura un effet d’entraînement économique important.

La loi de 2006 impose à l’Andra une caractéristique décisive, la réversibilité, dont la définition est renvoyée à un autre texte après l’organisation d’un débat public. C’est précisément l’objet de ce texte, qui prévoit en outre une phase industrielle pilote et adapte le calendrier de mise en oeuvre du projet. Il ne vaut pas autorisation ; celle-ci ne sera délivrée par décret en Conseil d’État qu’en 2021, après instruction technique de l’ASN, avis de l’OPECST, consultation des collectivités territoriales et enquête publique. Les résultats de la phase industrielle pilote feront l’objet d’un rapport de Andra, d’un avis de la commission nationale d’évaluation, d’un avis de l’ASN, transmis pour examen à l’OPECST. Si le rapport de ce dernier en confirme la pertinence, un projet de loi pourra être déposé pour préciser les conditions du passage à l’exploitation courante du centre.

Comme les parlementaires, le Gouvernement a le souci de sa responsabilité vis-à-vis des générations futures. Ce texte apporte des précisions nécessaires. Je vous invite à l’adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UDI-UC, RDSE et socialiste et républicain)

M. Jean-Claude Lenoir. – Très bien !

M. Christian Namy . – Cette proposition de loi adapte la loi de 2006, après le débat public de 2013. Elle est portée par les parlementaires et les élus de la Meuse et de la Haute-Marne.

La réversibilité est la condition nécessaire pour préserver les choix des générations futures. Elle ne doit pas être de façade. Que l’on soit pro ou antinucléaire, ces déchets existent, qu’ils proviennent de nos centrales, de la défense ou de la santé. La France, championne de l’électricité nucléaire, le sera aussi en matière de retraitement et de stockage des déchets. Il y a là une filière à développer, créatrice de milliers d’emplois.

Je ne peux que déplorer l’absence de la ministre de l’énergie, qui démontre une fois de plus son désintérêt pour le sujet…

Des engagements ont été pris par les gouvernements successifs d’un accompagnement économique des territoires concernés. Pour l’instant, l’accompagnement est bien maigre, alors qu’il en va de l’acceptation du projet… Seul EDF tient, en partie, ses engagements. Le laboratoire de Bure compte 200 emplois, dont 40 % d’emplois locaux. L’État et les producteurs, réunis à l’époque par M. Devedjian au sein d’un comité de haut niveau, s’étaient engagés entre autres à associer les industries locales aux appels d’offres. Il serait bon de réunir ce comité, qui n’a pas été convoqué depuis plus de deux ans malgré les demandes des élus et les promesses de Mme Royal… Les industriels doivent tenir leurs engagements. Pourquoi aussi ne pas installer l’Andra sur le territoire ?

Pouvez-vous faire le point, madame la ministre ? N’est-ce pas le moment de relancer les discussions entre l’État et les collectivités territoriales ? Ne faudrait-il pas confier le dossier au ministère de l’industrie ? Je suis sûr que Bruno Sido, avec qui nous avons toujours fait cause commune, ne dira pas autre chose…

Le groupe UDI-UC soutient ce texte. L’État doit inciter les opérateurs du nucléaire à respecter leurs engagements d’accompagnement économique. Nous ne pouvons pas transiger sur ce point.(Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Bosino . – Quel mode de stockage pour nos déchets nucléaires à haute radioactivité ? En 2013, la France disposait de 1,4 million de m3 de déchets radioactifs, dont 47 000 m3 de déchets de haute et moyenne activité à vie longue. Il faut que nous prenions nos responsabilités dès lors qu’aucune solution d’élimination n’a été trouvée.

Nous soutenons le principe d’une phase industrielle pilote. Ce n’est pas seulement un choix technique, c’est un choix politique qui va de pair avec la recherche sur le retraitement des déchets, la valorisation du MOX.

Le choix du stockage en couches profondes est certainement la solution la plus sûre aujourd’hui. L’OPECST a publié dix rapports sur le sujet en 25 ans… Comme le dit un opposant à Cigéo, les immenses piscines de la Hague ont des toits si peu solides qu’ils ne résisteraient pas à une attaque de drone…

La proposition de loi définit la réversibilité et assure un contrôle du Parlement à toutes les étapes. Nous regrettons cependant la faiblesse de la concertation publique. La perception de la menace ne sera atténuée qu’à la condition d’une transparence absolue tout au long du projet. Nous y reviendrons dans la discussion des articles, en insistant aussi sur la nécessaire indépendance de tous les acteurs publics, l’Andra, l’ASN, l’IRSN. La gestion des déchets est un défi sans précédent, qui requiert la vigilance de la société sur une durée qui dépasse de très loin tout ce qu’ont jamais connu les organisations humaines. C’est pourquoi nous sommes aussi persuadés qu’il faut une maîtrise publique du nucléaire dans toutes ses dimensions, du militaire au civil, et de tous ses acteurs. La responsabilité sociétale doit l’emporter sur la recherche de la rentabilité financière. Ne nous y trompons pas, le projet Cigéo suppose un financement très important, auquel la taxe sur la recherche et l’entreposage des déchets devra contribuer. Ne reproduisons pas l’erreur des pays qui ont abandonné le stockage profond pour des raisons budgétaires de court terme…(Applaudissements)

Mme Nelly Tocqueville . – Cette proposition de loi reprend un texte déposé par les députés socialistes en novembre 2015, preuve de son caractère consensuel et transpartisan. Si des amendements à la loi sur la transition énergétique ou à la loi pour la croissance et l’activité ont été déposés sur le même sujet, un textead hoc est indispensable sur un dossier aussi important.

La loi de 2006 a fait le choix du stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs, ce que la directive de 2011 a conforté. Le présent texte définit la notion de réversibilité, instaure une phase industrielle pilote et adapte la procédure d’autorisation comme le calendrier.

La réversibilité n’est pas la récupérabilité. C’est la possibilité donnée aux générations futures de faire des choix autres, y compris de revenir sur les nôtres. La phase pilote permettra d’évaluer la maîtrise des risques, l’outil industriel, la capacité de retirer les colis…

La question n’est pas de nous prononcer pour ou contre le nucléaire, mais d’assumer notre responsabilité dans la gestion des déchets à l’égard des générations futures. C’est une nécessité éthique. La solution du stockage géologique fait consensus au niveau international ; cela ne signifie pas qu’il s’agit de la solution ultime, la recherche doit se poursuivre. Nous voterons ce texte, en restant attentifs à la transparence et à l’association du public à toutes les étapes du projet.

M. Ronan Dantec . – John Maynard Keynes disait qu’il fallait mieux employer des gens à creuser des trous, puis à les reboucher, que laisser la crise économique s’installer. Je ne pensais pas voir un jour M. Longuet se rallier au keynésianisme… (Sourires)

Le 8 mai, la consommation d’électricité a été presque entièrement couverte par les énergies renouvelables en Allemagne, une des économies majeures de la planète… La transition énergétique est en marche en Europe, elle est inéluctable… Nous devrions discuter de stratégie, renoncer à un modèle en voie de marginalisation – les investissements dans les énergies renouvelables ont représenté 286 milliards de dollars l’an dernier, deux fois plus que pour le charbon ou le gaz, et je ne parle pas du nucléaire, une somme insignifiante.

Mais nous nous enfonçons dans le déni collectif, dont les historiens et sociologues auront beaucoup à dire, en creusant un trou de 35 milliards d’euros, dont 6 milliards rapidement. EDF est surendettée et devra faire face à bien plus de 100 milliards d’euros de nouvelles dépenses au cours des prochaines années : à croire que l’on veut en finir avec le service public à la française en organisant sa faillite !

Changeons de logiciel. La France est le seul pays à miser sur le stockage profond. La moins mauvaise solution serait le stockage à sec en subsurface. Elle est utilisée aux États-Unis, en Allemagne. Elle est bien moins coûteuse et garantit une bien meilleure réversibilité.

On joue beaucoup sur les mots dans l’hémicycle. Une réversibilité sans récupérabilité à tout moment n’en est pas une. Mais le rapporteur a le talent de rendre acceptable l’inacceptable… Au Nouveau-Mexique, leWaste Isolation Pilot Plant a dû être suspendu à la suite d’un incendie, idem à Asse en Allemagne où la mine de fer est rongée par les infiltrations. Nous nous apprêtons à dépenser 35 milliards d’euros pour stocker des déchets durant des milliers d’années sans pouvoir les récupérer. Reprenons nos esprits et enterrons ce texte en couche profonde !

M. Gérard Longuet. – On ne plaisante pas sur ce sujet.

M. Jean-Claude Lenoir. – Le discours de M. Dantec n’a pas l’air de susciter l’enthousiasme…

M. Jean Louis Masson . – Ancien inspecteur des installations nucléaires, je sais combien le développement de cette filière a été positif pour la Nation, le plan Messmer a été une réussite. Je défends sans réserve la centrale de Cattenom que des pays voisins voudraient voir fermer.

Qui dit nucléaire, dit déchets. Dans cinquante ans, il est évident que les technologies auront évolué. D’où la réversibilité qui est synonyme de récupérabilité. Ne soyons pas hypocrites en jouant sur les mots. Dans les années 90, au moins, le Gouvernement défendait sans fard l’enfouissement irréversible – et M. Strauss-Kahn, un an après la loi, avait fait abroger mon amendement imposant la réversibilité. L’enfouissement de déchets chimiques dans les mines de potassium d’Alsace s’est révélé catastrophique, et nous n’avons pas fini de faire face à ses conséquences… Parlons français : si un stockage est réversible, c’est que l’on peut enlever les matières stockées !

M. Jacques Mézard . – (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Quels que soient nos choix énergétiques, il revient à l’État d’assumer leurs conséquence dans un esprit de responsabilité et avec prospective. Les déchets existent, nous en débattons depuis longtemps, et il faut savoir prendre des décisions. Il y a peu, nous avons voté une loi de transition énergétique réduisant la part du nucléaire à 50 % de la production électrique d’ici 2025 ; M. Dantec aurait aimé l’abaisser à zéro…

M. Ronan Dantec. – Non, c’était trop ambitieux !

M. Jacques Mézard. – Nous ne partageons pas ses convictions.

Il ne faut pas oublier le gâchis qu’a été l’abandon de Superphénix (On renchérit à droite), en vertu d’un accord électoral prenant le pas sur les intérêts fondamentaux de la nation. La France a perdu vingt ans d’avance. (MM. Ladislas Poniatowski, Charles Revet et Bruno Sido confirment) Que compte faire le Gouvernement pour relancer la nouvelle génération de réacteurs ? Elle avait l’avantage de consommer une partie des déchets radioactifs. (On renchérit à droite) Ayons une vision prospective et moderne de notre recherche !

Le groupe RDSE n’est pas contre les énergies renouvelables, il est pour la diversité énergétique. S’il fallait arrêter le nucléaire, on devrait construire des barrages et des éoliennes que les mêmes combattraient – des associations s’élèvent même contre les champs photovoltaïques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi qu’au centre et à droite)

Nous avons devant nous un texte transpartisan, porté par les élus de la Meuse et associant les populations. Le groupe RDSE le votera unanimement, avec conviction et responsabilité. (Applaudissements sur les mêmes bancs ; Mme Delphine Bataille, M. Jean-Jacques Filleul et Mme Nelly Tocqueville applaudissent aussi)

M. Gérard Longuet. – Superphénix renaîtra de ses cendres !

M. Jean-Claude Lenoir . – Avec cette proposition de loi, il s’agit tout simplement de l’indépendance de la France. Elle suppose une maîtrise totale du cycle nucléaire, depuis l’approvisionnement et la production jusqu’à la gestion des déchets.

Nous ne sommes pas les seuls à réfléchir au stockage des déchets. Belges, Suisses, Suédois le font aussi. Si les États-Unis ont renoncé au projet de Yucca Mountains, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) comme l’Union européenne recommandent le stockage profond comme la seule solution viable. Peu de pays ont franchi le pas. C’est le cas de la Finlande et de la Suède, mais contrairement à ces pays, nous n’entreposerons à Bure que 3 % de nos déchets, ceux qui n’auront pas été retraités à La Hague. Ils tiendraient dans une piscine olympique.

Le texte est cohérent et responsable. Cohérent, parce qu’il s’inscrit dans la lignée des travaux des commissions Castaing et Goguel dans les années 1980, de l’Opecst dans les années 1990, et des lois antérieures. La loi du 30 décembre 1991, qui porte le nom d’un député courageux, Christian Bataille, a lancé des recherches sur le stockage, réversible ou non ; quinze ans après, sous une autre majorité, fut votée la loi de 2006 qui précisait la notion de réversibilité et initiait le processus devant conduire à la construction d’un centre de stockage.

Un texte responsable, ensuite, défendu par les sénateurs de la Haute-Marne et de la Meuse, MM. Sido et Longuet, sans oublier M. Namy. Le consensus est réuni, ce texte ressemblant point par point à un autre déposé par des députés de gauche à l’Assemblée nationale. Je suis impressionné par l’unanimité qui règne dans notre hémicycle, à peine égratignée par des interventions isolées. Au Gouvernement, maintenant, d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, et de respecter le calendrier. Les territoires attendent les retombées du projet Cigéo.

Il ne s’agit pas de faire comme en 1830, monsieur Dantec, quand on demandait aux révolutionnaires d’ouvrir des tranchées puis de les combler, mais bien d’affirmer notre maîtrise du nucléaire, et je veux saluer tous ceux qui ont la lucidité de soutenir cette vaste entreprise. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UDI-UC et RDSE ; Mme Delphine Bataille applaudit aussi)

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

M. Jean-Yves Roux . – Ce texte porte sur un champ encadré de longue date par la représentation nationale : il s’agit d’autoriser le lancement d’une phase industrielle pilote de stockage de matières et déchets radioactifs et de définir les critères d’une mise en service complète, dont celui de réversibilité. Ce n’est donc qu’une étape, certes cruciale.

La question du stockage des matières et déchets de haute et moyenne radioactivité se pose quels que soient nos choix énergétiques, comme le relevait le rapport Bouillon-Aubert de 2013.

Sur la question, la coopération internationale n’a cessé de s’intensifier. La France est liée par le traité Euratom, dont le préambule impose des conditions de sécurité aptes à « écarter les périls pour la vie et la santé des populations », et par une obligation de transparence envers nos partenaires européens en cas d’accidents. Je suis d’ailleurs de ceux qui déplorent que la coopération au sein de l’Union n’aille pas plus loin. La coopération scientifique passe, elle, par des accords-cadres entre l’Andra et ses homologues. Enfin, nous disposons des retours d’expérience de la Finlande, et nos voisins en attendent autant de notre part.

Le stockage en surface ou en subsurface est une solution temporaire, d’ailleurs risquée. La séparation-transmutation produit elle-même des déchets inéliminables. La création de centres de stockage internationaux n’est plus d’actualité, l’idée d’envoyer des colis dans l’espace est pour l’instant jugée fantaisiste, et celle du stockage en mer est heureusement abandonnée depuis 1993. Qu’attendons-nous donc ? Le consensus international des experts se fait autour du stockage profond. Nous avons opté pour un stockage dans l’argile, et non dans le granit comme en Finlande ou en Suède ou dans des mines de sel comme en Allemagne, ce qui ne pose pas de problème en soi – la qualité des matériaux et les conditions de stockage importent aussi. La phase pilote sera déterminante.

La coopération internationale porte enfin sur la concertation avec la population, phase non négociable.

Je souhaite que les conditions de sécurisation du site, la sous-traitance, la sécurité et la formation continue du personnel ne soient pas reléguées à l’arrière-plan, car la sûreté du site en dépend.

Que le dialogue se poursuive. La réversibilité, c’est aussi la possibilité de faire un jour des choix différents. Nous disposons d’éléments probants pour autoriser cette phase industrielle pilote, sous réserve des exigences de concertation et de sécurité. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et Les Républicains)

M. Bruno Sido . – Quelques éléments fondamentaux en guise de conclusion. La pérennité de la filière nucléaire dépend de notre capacité à apporter une réponse à la question des déchets radioactifs. Ce faisant, nous assumerons nos choix passés – 58 réacteurs apportant 75 % de notre électricité – et conforterons l’excellence française.

Scientifiquement, le stockage profond est la meilleure solution. Il suppose une gestion dans le très long terme. Or nous ne pouvons pas imposer aux générations futures un mode de gestion. D’où l’intérêt de la notion de réversibilité, monsieur Masson, qui s’est affinée depuis la loi Bataille : pas de décision brutale, de la souplesse et beaucoup de pragmatisme.

J’avais déposé un amendement à la loi de transition énergétique proche de cette proposition de loi. Mme Royal m’avait assuré qu’un projet de loi viendrait en 2016. M. Longuet aide le Gouvernement à tenir sa promesse… Sur ce sujet qui dépasse les clivages partisans et nos divergences sur le mix énergétique, je forme le voeu que le Sénat se rassemble, comme l’ont fait les élus de la Meuse et de la Haute-Marne.

Après nombre de rapports scientifiques, un débat public en 2013 et des travaux d’évaluation, le projet Cigéo doit entrer dans sa phase préindustrielle. C’est l’intérêt de l’État et de nos territoires. Faisant écho à M. Maurey, je demande la réunion du comité de haut niveau à Bure, comme lorsque Mme Delphine Batho était ministre. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Longuet. – Excellent !

M. Jean-Claude Lenoir. – Bravo !

La discussion générale est close.

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