21 novembre, 2024

Tribune Libre dans l’Opinion : « Le nucléaire est la seule énergie pilotable décarbonée; il faut la soutenir »

« La France doit rouvrir le dossier du prix de l’électron. A ne pas le faire, il manquerait l’opportunité que lui donne la Présidence française de l’Union européenne », estime l’ancien ministre de la Défense Gérard LONGUET.

Depuis près de vingt-cinq ans, il n’existe plus à proprement parler de ministre de l’Industrie, indépendant de Bercy ; les structures administratives, qui en sont plus ou moins les héritières, sont dispersées. Par exemple, l’énergie relève de l’Environnement, ministère très militant tout comme l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), sa filiale. Nous en payons le prix aujourd’hui avec les incertitudes depuis dix ans sur le nucléaire. En fait, l’affaire est ancienne.

Trois erreurs manifestes depuis vingt ans se sont ajoutées les unes aux autres et en compromettent l’avenir aujourd’hui. Première erreur : l’acceptation à Barcelone d’un accord européen, le 18 mars 2002, organisant « le libre choix du fournisseur par tous les consommateurs européens ». La formule est vague mais le processus d’encerclement du nucléaire est enclenché, Lionel Jospin est alors Premier Ministre.

Deuxième erreur : l’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique), voté en 2010, qui est la réponse tactique à un oukase de la Commission européenne, pour que la France se conforme aux directives du « Paquet énergie » décidées de 1996 à 2009. La loi NOME du 7 décembre 2010 décide donc que 100 TWh seront produits par EDF, mais vendus aux distributeurs indépendants à un prix fixé par l’Etat. Ces distributeurs n’ont aucune obligation d’achat, ni d’ailleurs aucune obligation d’investir dans des outils de production. Ce sont des négociants, plus ou moins avisés, pour l’essentiel. C’est un compromis, ce n’est pas une solution.

Troisième erreur : durant les deux derniers quinquennats, de 2012 à ce jour, l’investissement nucléaire d’EDF n’est pas encouragé. La production nucléaire est annoncée comme devant diminuer avant de s’éteindre. Le « grand carénage » du parc nucléaire est, de fait, repoussé et la disponibilité des centrales affaiblie. Le secteur n’est pas soutenu par des commandes régulières, garantes de l’aptitude des entreprises et de leurs techniciens.

Opportunité. Pourtant, en décembre 2020, le président Macron affirmait enfin que le nucléaire était indispensable. Je me prends alors à espérer ; les perspectives irréalistes retenues par la PPE [1] semblent abandonnées. C’est à cet instant qu’il fallait lancer une réforme du financement de l’outil énergétique français.

Une réforme fondée sur trois constats simples. Un : le nucléaire est la seule énergie pilotable décarbonée ; il faut la soutenir pour être au rendez-vous de 2050. Deux : le coût de l’électricité nucléaire, comme d’ailleurs celui de l’éolien ou du photovoltaïque, est d’abord une dépense d’investissement, de CAPEX. Contrairement au gaz qui, lui, coûte en investissement mais plus encore en fonctionnement.

Le thermique repose sur un combustible qui pour l’essentiel nous échappe en quantité et en prix. Le lien artificiel établi avec le nucléaire est absurde.

Trois : le tarif de l’électricité payé par le client doit donc dépendre principalement de la puissance installée chez le client et non pas des seuls kWh consommés par ce dernier. Le coût marginal de la plus mauvaise centrale allemande – système européen actuel – est, pour le nucléaire comme pour l’éolien et le photovoltaïque, une ineptie. L’électron produit sans molécule ne peut pas être dans la même logique de prix que celui issu du gaz fossile. Le nucléaire assure une sécurité d’approvisionnement selon les besoins exprimés par le client et sur un prix prévisible, puisqu’il dépend à 80% au moins du coût de l’investissement. Le thermique repose sur un combustible qui pour l’essentiel nous échappe en quantité et en prix. Le lien artificiel établi avec le nucléaire est absurde. De plus, le fossile sera désormais cher parce que les producteurs ont intérêt à valoriser maintenant un produit qui n’a plus d’avenir « quantitatif » et surtout parce qu’ils devront supporter un prix de la Taxe Carbone de plus en plus élevé.

Le nucléaire n’obéit pas à la même logique. Il n’a pas à dépendre du bon vouloir de pays aux motivations imprévisibles. La présidence française doit rouvrir le dossier du prix de l’électron. A ne pas le faire, il manquerait l’opportunité que lui donne la Présidence française de l’Union européenne. Est-ce encore possible en cinq mois ?

Ancien ministre de la Défense, Gérard Longuet est sénateur LR de la Meuse. – 27 janvier 2022 – L’Opinion

[1] Programmation Pluriannuelle de l’Energie et TEPCV du 17/08/2015.

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